Nos données seront bientôt disponibles sur “Madagascar Coastal and Marine Atlas” (MaCMAtlas). En attendant, nous vous invitons à lire les principaux résultats et conclusions de notre recherche.
Nos récifs coralliens
Solutions compensatoires aux pressions anthropiques et aux impacts du changement climatique, à travers la recherche, l'éducation et la conservation
Les informations sur cette page sont extraites de la thèse de HDR du Dr Gildas Todinanahary, soutenu le 25 Septembre 2023 à l’Université de Toliara.
Le volume 2 de la thèse, disponible ICI, résume les résultats et les principales conclusions de la recherche menée par l’équipe de l’Unité Récifs Coralliens de l’Institut Halieutique et des Sciences Marines, de l’Université de Toliara.
Veuillez citer la référence comme suit: Todinanahary GGB (2023). Recherche, éducation et conservation des récifs coralliens. Solutions compensatoires aux pressions anthropiques et aux impacts du changement climatique. Thèse d’Habilitation à Diriger des Recherches, Volume 2 : Synthèse de la recherche. Université de Toliara, 96p
Les récifs coralliens sont des écosystèmes parmi les plus complexes et les plus diversifiés au monde. Ils fournissent des biens et des services à des millions de personnes. Mais au cours des 50 dernières années, des perturbations épisodiques et des facteurs de stress anthropiques ou naturels chroniques ont provoqué leur dégradation sans précédent. Notre travail s’intéresse à la recherche, à l’éducation et à la conservation des récifs coralliens et s’étend à toutes solutions compensatoires aux pressions anthropiques sur les écosystèmes marins critiques tels que les herbiers de phanérogames en tenant compte des impacts du changement climatique. Nous avons étudié en premier lieu les peuplements de coraux qui constituent les habitats complexes au niveau des récifs coralliens, en évaluant leur modèle de reproduction, le recrutement et la dynamique de la population adulte autour de Madagascar et en particulier dans le Sud-ouest de l’Île, au niveau du Grand Récif de Toliara (GRT). Ensuite, nous nous sommes focalisés sur l’implication des communautés côtières dans la mise en place de pépinières de coraux à but éducatif et de restauration des récifs naturels, dans la mise en place de technologies innovantes et accessibles de récifs artificiels. La mise en œuvre pratique de telles activités nécessite parfois l’utilisation d’outils technologiques de nouvelle génération comme la télédétection pour une meilleure efficacité en termes d’évaluation d’impacts à l’échelle nationale et régionale ou de sélection de sites, comme le metabarcoding[1] et l’étude des ADN environnementaux pour évaluer la biodiversité au niveau et autour des sites d’intérêts. Par ailleurs, nous avons également noté la nécessité d’étudier les connaissances écologiques traditionnelles afin d’en exploiter l’utilité en termes d’éducation et de gestion. L’évaluation de l’efficacité de la gouvernance de ces ressources sont également une des priorités que nous avons abordées pour l’ensemble de notre recherche, afin de mieux apprécier les forces et faiblesses des modèles de gouvernance mise en œuvre. Ce manuscrit synthétise les principaux résultats issus de nos différents projets de recherche et publications et les principales conclusions avec les recommandations pour une meilleure gouvernance des ressources naturelles marines, afin de répondre au mieux aux problématiques identifiées.
[1] Metabarcoding est un terme anglais, communément utilisé, même dans une phrase en français, pour designer l’une des technologies en génomique les plus prometteuses pour l’évaluation de la biodiversité qui est le métabarcode d’ADN. Le metabarcoding est l’identification taxonomique à grande échelle d’échantillons environnementaux complexes par l’analyse de séquences d’ADN pour de courtes régions d’un ou de quelques gènes (appelées codes-barres ADN) (Taberlet et al. 2012).
Peuplements de coraux et état de santé des récifs coralliens
La dynamique des peuplements des coraux, incluant leur biodiversité, leur reproduction et recrutement, ainsi que le maintien de la population sont des paramètres importants à connaitre pour une meilleure gestion des récifs coralliens.
A Madagascar, la recherche sur la biologie des coraux est très récente, bien que celle sur le récif et l’écologie des scléractiniaires ait été très développée au début des années 1960 et 1970 (Pichon, 1978). La biodiversité des scléractiniaires à Madagascar est principalement connue à partir de ces études réalisées dans la baie de Toliara. 40 ans plus tard, nous avons commencé, depuis 10 ans à réaliser une nouvelle étude de ces communautés coralliennes, tout en assurant la mise en place d’une base de données sur cette biodiversité, incluant une base de données moléculaires à partir des fragments d’ADN. Une des nombreuses raisons du développement des données moléculaires sur les coraux est la difficulté et la complexité de l’identification chez les Scléractiniaires. Ceci est d’autant plus important pour l’étude des recrues, pour lesquelles les critères morphologiques d’identification sont limités à quelques familles (Baird et al. 2012), et pour les larves, qui présentent pour toutes les espèces une morphologie très similaire qui rend impossible une identification taxonomique spécifique.
La recherche sur la reproduction et le recrutement des coraux est un des domaines pour lesquels nous sommes pionniers dans le pays, voire dans la Région de l’Océan Indien. Les recherches menées par notre équipe ont produit les premiers résultats et les connaissances sur le modèle de reproduction des coraux et leur recrutement. Cela permet d’améliorer la connaissance et de maitriser le cycle biologique des coraux pour mieux cerner leur dynamique.
Par ailleurs, cette recherche sur les peuplements s’étend également sur l’analyse de l’influence des facteurs climatiques, tels que le phénomène El Niño, l’influence des apports terrigènes, en utilisant les outils technologiques les plus récents, tels que la télédétection et les drones.
Modèle de reproduction des scléractiniaires
La reproduction est une part très importante du cycle de vie des scléractiniaires. Le succès de celle-ci assure le renouvellement de la population et sa compréhension est une étape nécessaire pour une meilleure gestion des récifs coralliens.
La première recherche sur la reproduction (suivi de la maturation et ponte) a été réalisée à partir de 2018, bien que dès 2013, nous ayons réalisé les premiers suivis sur la répartition spatio-temporelle des larves de coraux et de leur recrutement dans la zone de Toliara.
Les résultats de ce premier suivi ont montré que la variabilité de l’occurrence des larves planula est très élevée et implique que la densité observée dans l’année ne présente pas de différence significative entre les sites (Kruskal-Wallis, p=0,33, Todinanahary et al., 2021). L’occurrence maximale de la larve était pendant 9 mois de l’année, d’août à décembre et de février à mai. Les larves sont apparues le plus souvent à Nosy Tafara (9 mois) par rapport à la Grande Vasque et à la Roseraie où les larves ont été observées respectivement 8 et 3 mois de l’année. La densité la plus élevée de planula a été observée la dernière semaine de novembre et la première semaine de décembre.
Référence: Todinanahary GGB, Hasintantely N, Eeckhaut I, Lavitra T (2021) First evaluation of coral recruitment in Madagascar. Western Indian Ocean Journal of Marine Science, 20(1):47-62 [http://dx.doi.org/10.4314/wiojms.v20i1.5]
Ces résultats ont été confirmés par la recherche sur la reproduction qui se sont focalisées sur cinq espèces suivies dans la même zone : Acropora digitifera, A. nasuta, Galaxea fascicularis, Platygyra daedalea et Leptoria phrygia. La période de maturation de leurs gamètes, la période de ponte et les facteurs environnementaux qui influencent la reproduction ont été étudiés entre 2018 et 2020.
La grande ponte des Acropora est en octobre, 6 à 9 jours après la première pleine lune, après 4 à 5 mois de gamétogénèse. Celle de L. phrygia en décembre et janvier. La ponte des P. daedalea et G. fascicularis est observée en mars et avril.
La maturation des gamètes et la période de ponte est influencée par la montée progressive de la température de surface de la mer. Par ailleurs, le jour de ponte est marqué par la faible vitesse du vent. La fécondité de l’A. digitifera et de A. nasuta était respectivement de 11,64±3,5 et 13,36±2,49 ovocytes par mésentère mais il n’y avait pas de différence significative entre les moyennes.
Le modèle de reproduction des coraux de la région de Toliara a des caractéristiques similaires à des autres régions de l’Océan Indien et de l’Indo Pacifique.
Période de maturation des espèces étudiées par saison d’étude. Les couleurs représentent le stade. Gris foncé : Immature, Orange : Mature, Gris claire : Vide
Fluctuation des paramètres environnementaux pendant les périodes de la ponte (traits : jour des pleines lunes avant la ponte ; lignes : Jour de la ponte observée ou inférée). Source : Tsimbazafihery, 2022
Tsimbazafihery, J.P. (2022). Étude de la maturation des gamètes et de la ponte chez quelques espèces de coraux dans le récif du Sud-Ouest Madagascar. Mémoire de Master 2, IH.SM, Université de Toliara, 61pp
Botosoamananto RL, Tsimbazafihery P, Zerambay S, Gasimandova LM, Randrianarivo M, Penin L, Todinanahary GGB, Adjeroud M (Under review). Sexual reproduction of several reef corals on the Great Reef of Toliara, southwest Madagascar [Follow at https://orcid.org/0000-0001-7481-1453]
Recrutement des scléractiniaires
En ce qui concerne le recrutement, la première étude entre 2013 et 2014 a montré que la densité moyenne des recrues totales était de 620,13 ± 621,30 recrues m-2, 40,28 ± 50,97 recrues m-2 et 36,34 ± 33,82 recrues m-2 (sur 12 mois, Todinanahary et al., 2021), respectivement sur les 3 sites suivis, Nosy Tafara, Grande Vasque et Jardin des Roses. La distribution saisonnière du recrutement corallien était différente entre les sites.
La densité annuelle moyenne des recrues nouvellement installées (stade < 1 mois) était significativement plus élevée à Nosy Tafara avec 94,91±101,08 recrues m-2 par rapport à Grande Vasque et Jardin des Roses, avec 18,75±34,32 recrues m-2 et 11,57±18,47 recrues m-2 (pKW<0,001), respectivement. La plus forte densité de recrues nouvellement installées a été observée entre octobre et décembre. Une densité plus éle-vée de recrues a également été observée en mars à Nosy Tafara et en mai sur les trois sites.
Référence: Todinanahary GGB, Hasintantely N, Eeckhaut I, Lavitra T (2021) First evaluation of coral recruitment in Madagascar. Western Indian Ocean Journal of Marine Science, 20(1):47-62 [http://dx.doi.org/10.4314/wiojms.v20i1.5]
Ces premiers résultats sur le recrutement qui ont été obtenus en utilisant des plaques de recrutement en céramiques sont comparables aux résultats de la recherche sur le recrutement qui a suivi entre 2018 et 2020. En effet, l’étude menée de décembre 2017 à Mars 2018 sur 10 stations de la Baie de Toliara et Baie de Ranobe a utilisé des plaques en terre cuite pour évaluer le recrutement des coraux. Les résultats ont fait état d’un total de 369 recrues recensées, avec une moyenne de 2,3 recrues/plaque et un taux de 190,2 recrues.m-2 (sur 4 mois, Randrianarivo, 2018).
Les résultats du suivi des juvéniles mené en 2014 ont montré des taux élevés (> 10 juvéniles m-2) par rapport aux autres régions, mais il a révélé une forte mortalité parmi les recrues. Le recrutement de coraux dans la région Sud-ouest de Madagascar s’est avéré élevé et pourrait entraîner une résilience accrue des assemblages de récifs coral-liens.
Dans tous les cas, les Pocilloporidae sont dominantes sur les plaques de recrutement, suivis des Acroporidae et des Poritidae. Et sur les plaques en terre cuite, la famille des Pocilloporidae colonise toutes les faces (supérieure, inférieure, sur les côtés). Cela ca-ractérise les récifs coralliens de l’Indopacifique. Par ailleurs, nous avons également remarqué une abondance non négligeable des recrues catégorisées comme Autres (non identifiables au niveau Famille).
Plusieurs questions se posent et incitent à continuer la recherche sur le recrutement des coraux, notamment si le recrutement est influencé par la face où les recrues se fixent sur les plaques et par la présence de certaines espèces benthiques ? Nous tentons de répondre à cette question avec la recherche menée sur l’influence des organismes compétiteurs sur le recrutement corallien (Zerambay, 2023).
Les résultats ont montré que les recrues coralliennes ont été abondantes sur les bords des plaques de recrutement (1,87 recrues.plaque-1), suivie par les surfaces supérieures (1,81) et inférieures (1,46). Les plaques de recrutement étaient principalement recou-vertes à 54% d’algue calcaire encroûtante (ACE), 22% d’organismes encroûtants (OE) et 4% de macroalgue (MA) tandis que 20 % des plaques n’étaient pas colonisées par des organismes vivants. La corrélation entre les recrues et les ACE (-0,32) et les MA (-0,38) est négative puis positive entre les recrues et les OE (0,41). Ces résultats indi-quent une forte compétition pour l’espace ou une inhibition du recrutement corallien par certaines algues.
Randrianarivo, M. (2018). Variabilité spatiale du recrutement corallien dans les récifs de la région de Toliara, Sud-ouest de Madagascar. Mémoire de Master 2, IH.SM, Université de La Réunion, 39pp [Follow at https://orcid.org/0000-0001-7481-1453]
Structure des communautés coralliennes de Madagascar: Référence contemporaine des assemblages coralliens de Madagascar
Madagascar fait partie du domaine indo-pacifique tropical où les récifs coralliens constituent l’écosystème marin littoral type (Pichon, 1978), et est un hot-spot majeur de la biodiversité dans l’océan Indien occidental. La partie Est de l’île, exposée à l’Océan Indien est beaucoup moins riche en récifs coralliens que l’Ouest, du côté du Canal du Mozambique. A l’Ouest, les récifs coralliens sont surtout développés depuis Androka (au Sud) limité par le fleuve Linta jusqu’à Antsiranana au Nord. A l’Est, les récifs co-ralliens se répartissent depuis le cap d’Ambre (Antsiranana) jusqu’à Toamasina. Mais, comme dans de nombreuses autres régions, les récifs coralliens entourant l’île sont confrontés à des perturbations à grande échelle et à des facteurs de stress locaux induits par l’homme.
Nous avons analysé la variation spatiale multi-échelle de la composition, de la richesse générique, de l’abondance, des stratégies d’histoire de vie et de la couverture des assemblages coralliens parmi 18 stations placées dans trois régions autour de l’île. Les influences potentielles des AMP, de la couverture algale, de la rugosité du substrat, de la biomasse des poissons herbivores et de la localisation géographique ont également été analysées.
Les résultats ont mis en évidence la variabilité spatiale marquée, avec des variations à l’une ou l’autre des échelles régionales et locales pour tous les descripteurs de coraux. La région côtière Nord-est de Masoala était caractérisée par une forte abondance de colonies coralliennes, notamment des genres compétitifs Acropora et Pocillopora et des taxons tolérants au stress dans plusieurs stations. La station Sud-ouest de Salary Nord se distingue par des abondances plus faibles, avec des populations appauvries de taxons compétitifs. Sur la côte Nord-ouest, Nosy-Be est caractérisée par une diversité et une abondance plus élevée ainsi que par une couverture corallienne élevée (~42–70%) enregistrée dans des stations non exploitées.
Les résultats soulignent clairement les effets positifs des AMP sur tous les descripteurs coralliens sauf un, en particulier à Nosy-Be où le contraste le plus élevé entre les stations pêchées et non pêchées a été observé.
En effet, l’abondance des 10 principaux genres de coraux dans chaque région, ainsi que d’autres genres moins représentés (“autres”), était très variable entre les stations et les régions. Acropora était le corail le plus abondant au niveau de huit des 18 stations, avec des valeurs particulièrement élevées à NE1-NTZ et NE4 situées à Ma-soala et, dans une moindre mesure, aux stations non pêchées de Nosy-Be (NW1-NTZ, NW2-NTZ, NW3-NTZ).
La biomasse des poissons herbivores, la couverture d’algues coralliennes crustacées et la rugosité du substrat étaient également positivement liées à plusieurs descripteurs coralliens. La présence de récifs à forte diversité, abondance et couverture de coraux, y compris les Acropora compétitifs, est une découverte majeure de cette étude.
Nos résultats soutiennent la mise en place d’AMGL avec une forte implication des premiers usagers, notamment pour aider à la gestion dans des pays à ressources logis-tiques et humaines réduites comme Madagascar.
Variation spatiale de l’abondance des 10 principaux genres coralliens et d’autres genres moins représentés (“autres”). Les barres d’erreurs représentent l’erreur standard. Les données sont fournies pour 18 stations d’échantillonnage situées dans les trois régions de Madagascar. Masoala (A) est situé sur la côte Nord-est, Nosy-Be (B) au Nord-ouest et Salary Nord (C) au Sud-ouest. Les codes des stations sont abrégés comme suit : les deux premières lettres indiquent la région (NE pour Masoala au Nord-est, NW pour Nosy-Be au Nord-ouest, et SW pour Salary Nord au Sud-ouest), le chiffre (1 à 6) différencie les six stations de chaque région, et NTZ (“No Take Zone”) est pour les stations dans les zones non pêchées
Randrianarivo M, Guilhaumon F, Tsilavonarivo J, Razakandrainy A, Philippe J, Botosoamananto RL, Penin L, Todinanahary GGB and Adjeroud M (2021) A contemporary baseline of Madagascar’s coral assemblages: Reefs with high coral diversity, abundance, and function associated with marine protected areas. PLOS ONE, 17(10): e0275017. (https://doi.org/10.1371/journal.pone.0275017)
Communautés coralliennes du GRT : référence d’une évolution optimiste
Le Grand Récif de Toliara (GRT), sur la côte Sud-ouest, est le plus grand complexe récifal de Madagascar et de l’océan Indien occidental et est un refuge pour divers taxons récifaux, dont 714 espèces de poissons de récif et 135 espèces de coraux sclé-ractiniaires. Il assure à la fois une protection côtière et une pêche artisanale pour la ville de Toliara. Cependant, comme la plupart des récifs coralliens du monde, ceux-ci ont été de plus en plus exposés à divers types de perturbations naturelles et anthropiques qui ont aggravé leur vulnérabilité et leur résilience socio-écologiques. La surpêche, la sé-dimentation et les événements de blanchissement des coraux induits par la chaleur ont particulièrement affecté les récifs coralliens de l’île situés autour des villes peuplées. Toutes ces perturbations épisodiques et ces facteurs de stress chroniques ont provoqué une baisse de la couverture et de l’abondance coralliennes au cours des 50 dernières années, en particulier pour les taxons coralliens complexes sur le plan architectural tels que Acropora et Pocillopora, la couverture corallienne diminuant de ~ 50% à 5% au cours de cette période dans plusieurs habitats peu profonds.
Malgré ces menaces croissantes et la tendance générale au déclin des coraux, aucune étude quantitative n’a récemment examiné la distribution spatiale et la structure commu-nautaire des assemblages coralliens, empêchant ainsi une indication précise de l’état actuel et des capacités de résilience du GRT. Dans ce contexte, nous avons étudié la distribution spatiale et la structure communautaire des assemblages coralliens parmi les principaux habitats récifaux de la région de Toliara, y compris le GRT. La composition, la richesse générique, la couverture (y compris d’autres taxons benthiques) et la struc-ture de taille des assemblages coralliens ont été quantifiées et comparées entre 10 sta-tions, en utilisant les méthodes de surveillance et l’analyse des données les plus ré-centes.
Dans l’ensemble, le substrat benthique était dominé par les scléractiniaires (46,8 ± 3,4 %), les gazons algaux (17,3 ± 3,8 %), les macroalgues (12,7 ± 4,0 %) et les gravats (12,1 ± 4,9 %). Les colonies d’Acropora dominaient la couverture corallienne (> 50 % de la couverture corallienne globale), les valeurs les plus élevées étant enregistrées sur la pente interne (37,9 ± 15,4 %) et, dans une moindre mesure, au niveau des bancs récifaux (28,8 ± 6,9 %), alors que la couverture était faible au niveau de la pente ex-terne (12,8 ± 2,7 %). La couverture de Pavona était également élevée sur la pente in-terne (27,2 ± 13,1%), alors que les valeurs étaient fortement réduites au niveau des bancs récifaux (1,5 ± 0,5%) et la pente externe (1,1 ± 0,5%). Le pourcentage de cou-verture des autres genres de coraux était inférieur à Acropora et Pavona (<7%).
La composition et l’abondance des assemblages coralliens ont montré une différence significative entre les trois habitats. Les stations de la pente externe étaient caractérisées par une plus grande abondance d’Acropora et de Galaxea.
En termes d’abondance des colonies, les résultats mettent en évidence la dominance marquée d’Acropora (Figure 9), qui est un autre signe du rétablissement récent d’assemblages coralliens plus sains sur les sites d’étude. En effet, Acropora, qui domi-nait dans le GRT dans les années 60, s’est fortement réduit en couverture et en abon-dance en 2008, au profit de taxons plus résistants comme Porites et Echinopora. En 2018, Todinanahary et al. ont déjà mentionné que les assemblages coralliens du GRT ont non seulement diminué dans leur diversité globale, mais ont également changé dans leur composition. Il existe également une abondance d’autres taxons ramifiés tels que Seriatopora, Pocillopora et Stylophora, tous caractérisés par leur sensibilité aux varia-tions des conditions environnementales, notamment aux événements de blanchissement dont plusieurs épisodes ont été décelées ces dix dernières années (Randrianandrasana, 2019 ; Rakotomanga, 2023).
Abondance moyenne des colonies des huit genres coralliens les plus représentés au niveau des 10 stations situées sur les trois grands habitats (PR : bancs récifaux, IS : pente interne et OS : pente externe). Les barres d’erreur représentent l’erreur standard
Botosoamananto RL, Todinanahary GGB, Razakandrainy A, Randrianarivo M, Penin L and Adjeroud M (2021) Spatial Patterns of Coral Community Structure in the Toliara Region of Southwest Madagascar and Implications for Conservation and Management. Diversity 13(10), 486 [https://doi.org/10.3390/d13100486]
Les connaissances obtenues sur les peuplements de coraux et état de santé des récifs coralliens concernent essentiellement les points suivants :
La montée progressive de la température de surface de la mer influence la maturation et la période de ponte des coraux. La maturation des gamètes diffère légèrement d’une espèce à l’autre, mais pour la majorité, les gamètes sont matures entre le mois de Septembre et le mois d’octobre. Cela correspond bien aux périodes de ponte qui, elles, s’observent 6 à 9 jours après la pleine lune d’Octobre ou de Novembre, en fonction des autres paramètres tels que la vitesse du vent et l’intensité de la lumière. Cette période est surtout observée pour le genre Acropora. Les larves issues de ces pontes se fixent et s’observent en masse sur les plaques de recrutement, entre Octobre et Décembre.
En résumé, les coraux scléractiniaires de Madagascar se reproduisent pendant l’intersaison, la période de passage de la saison froide et sèche à la saison chaude et pluvieuse, pendant laquelle la température monte progressivement.
Ces informations améliorent notre compréhension de la dynamique de la population adulte, de leur structure et permettent d’affiner l’interprétation des résultats de l’état de santé du récif, comparés avec les indicateurs environnementaux et anthropiques, via une évaluation multicritère de ces indicateurs (biomasse des herbivores, abondance des coraux vivants, température, turbidité, pression de pêche …).
Par ailleurs, ces connaissances précises sur les premiers stades de vie des coraux sont également importantes pour la facilitation du suivi écologique en utilisant les nouvelles méthodes et nouvel outil technologique comme la télédétection. En effet, en combinant des variables pouvant être récupérées par des satellites, des données de suivi GPS et des enquêtes de terrain dans un système d’information géographique (SIG), nous sommes capables d’évaluer la résilience des récifs coralliens à grande échelle.
Recherche en cours ... publications en cours de révision
Nomenisoa, A.L. (Recherche doctorale en cours) Dynamique évolutive du Grand Récif de Tuléar (Madagascar) et analyse de l’efficacité biologique et socio-économique de nouveaux récifs coralliens artificiels
Aina Le Don Nomenisoa, Gildas Todinanahary, Hubert Zafimampiravo Edwin, Toky Razakarisoa, John Bunyan Israel, Saverio Raseta, Henitsoa Jaonalison, Jamal Mahafina, and Igor Eeckhaut (In press) Remote sensing of benthic habitats in Madagascar using on publicly-available Sentinel-2 satellite images.Western Indian Ocean Journal of Marine Science
Mémoires:
Edwin, Z.H. (2023). Évaluation de la résilience du récif corallien basée sur des ap-proches par télédétection et des données terrains : cas de la baie de Toliara, Madagas-car. Mémoire de Master 2, IH.SM, Université de Toliara, 61pp
Israel, J.B. (2023). Cartographie de l’habitat benthique des récifs coralliens et distri-bution spatiale de la biomasse de poisson dans l’Aire Marine Protégée SOARIAKE, au Sud-Ouest de Madagascar. Mémoire de Master 2, IH.SM, Université de Toliara, 61pp
Recouvrement benthique (A) et carte de résilience (B) des systèmes récifaux de la baie de Toliara
Coralliculture et récifs artificiels
Aquaculture corallienne communautaire à Madagascar : Un système économique rentable pour une technique d'élevage simple ?
Depuis quelques décennies, l’aquaculture corallienne s’est développée dans de nombreux pays pour répondre à un marché croissant de coraux vivants et soutenir la conservation des récifs coralliens naturels en danger. Pour évaluer la potentialité de l’aquaculture corallienne communautaire à Madagascar, nous avons expérimenté des techniques d’élevage appropriées en utilisant les espèces Acropora nasuta et Seriatopora caliendrum. Le taux de survie et la croissance des boutures ont été suivis pendant les saisons humides et chaudes ainsi que pendant les saisons sèches et froides. Pour déterminer la faisabilité économique, le marché des coraux a été étudié et les rendements ont été calculés en utilisant les paramètres techniques, biologiques et sociaux de la production. Les boutures de coraux ont été élevées in situ dans des conditions appropriées. Les boutures élevées pendant la saison humide et chaude ont montré un taux de survie final de 67 ± 6% et 57 ± 4% respectivement pour A. nasuta et S. caliendrum, tandis que pendant la saison sèche et froide, les taux de survie étaient de 85 ± 7% et 69 ± 1% respectivement. A. nasuta avait un taux de survie significativement plus élevé que S. caliendrum pendant les deux saisons. Pendant la saison humide et chaude, les taux de croissance étaient de 0,46 ± 0,16% j⁻¹ et 0,54 ± 0,16% j⁻¹ respectivement pour A. nasuta et S. caliendrum. Pendant la saison sèche et froide, A. nasuta avait un taux de croissance de 0,63 ± 0,18% j⁻¹, tandis que S. caliendrum croissait à 0,65 ± 0,15% j⁻¹. Une différence significative a été observée entre les deux espèces pendant la saison humide et chaude, mais pas pendant la saison sèche et froide. De plus, les deux espèces ont poussé plus rapidement pendant la saison sèche et froide. Ces résultats sont dans la gamme des valeurs de référence pour les coraux. L’activité peut être rentable à partir de 25 boutures de coraux vendues par mois. Le profit peut déjà être perçu dès la deuxième année, avec un total de plus de 27 000 EUR gagnés après 5 ans de développement du projet, pour un investissement initial de 1978 EUR. Les entreprises de vente en gros d’animaux marins et les ONG de conservation de la biodiversité semblent être les clients appropriés pour cette forme d’aquaculture à Madagascar.
Le profit est représenté par la différence entre le chiffre d’affaires des ventes (ligne noire) et les dépenses totales (ligne rouge).
Todinanahary GGB, Lavitra T, Andrifanilo HH, Puccini N, Grosjean P, Eeckhaut I (2017) Community-based coral aquaculture in Madagascar: A profitable economic system for a simple rearing technique? [https://doi.org/10.1016/j.aquaculture.2016.07.012]
« Vatohara » : une pierre qui pousse ?
Les coraux ont toujours été considérés comme des pierres par les pêcheurs du Sud-ouest de Madagascar. A travers les projets de conservation, beaucoup d’activités de sensibilisation ont été réalisées. Pourtant, nous avons été étonné de savoir que malgré tout, comme son nom l’indique, les coraux sont toujours considérés comme des pierres, jusqu’au jour où on démontre leurs caractères qui en font des vivants: l’aquaculture de coraux.
Ci-après un extrait d’une discussion entre un scientifique (biologiste marin) et un pêcheur traditionnel (Vezo).
Pêcheur: « Le mitiry vatany ‘zany koahy vatohara reo ? » (Donc, les « vatohara » poussent si on les cultive ?)
Chercheur: Oui, absolument. Ce sont des animaux fixés. On les fait pousser, mais on devrait plutot dire, on en fait de l’elevage.
Pêcheur: « Aia koahy, biby marina ‘zany ‘raha reo. Raha io anie le fa ni- haintena avao hoe misy fotoa ie le mandroboky soa, misy fotoa ie maty, fe le tsy nieritseretin-tena mihitsy hoe ho biby manan’ay ! » (C’est pas vrai. Ce sont des animaux ?. On savait, en fait, qu’ils étaient florissant et pouvaient changer de mines (se dégrader), mais on était loin d’imaginer que ce sont des animaux qui ont une vie.
Quelques semaines après les premiers bouturages…
Pêcheur: « Hake, le mitiry vatany koahy vatohara reo !, zahay mbeo mandeha an-domotsy na mihaza re’y le mahita soa ty fitiriny. Le manaraky masony reny soa lahy ty fitiriny. Tena biby vatany aloha raha reo» (Hey, les « vatohara » poussent vraiment, nous (les villageois qui passent par là) observons bien comment ils poussent. Ils ont même une sorte de bourgeonnement. C’est incroyable. Je n’aurrai jamais imaginé cela. »)
Chercheur: Maintenant, vous le savez. Que pensez-vous des pressions qui pèsent sur les coraux et les récifs coralliens ?
Pêcheur: «Ake, raha fa hay henany zay koahy, zaho aza nalako raiky zay nafatotsiko amin’ny hazo-ndomotsy reny le nitiry marina ka. Ho hafa aloha henan’zay ty fanovantena azy lafa andriaky eny. Ty hamaliky vatohara le fa tsy ampoly koa. Hondy biby miay raha ka ty hamelo aza lahy hatao ka ino koa ro mbo hamalihantena azy na hanitsakitsahantena azy ! » (une chose est sure, je ne piétinnerai plus et ne retournerai plus ces animaux comme avant, lors que je pensais que ce n’étaient que des pierres sans vie.) …
Imaginez que la majorité des pêcheurs prennent conscience du fait que les coraux ne sont pas des pierres, mais des animaux …
Source: Bulletin Ranomasina N°11, page 9
Mise en place de pépinières de coraux scléractiniaires
Pour la mise en place des pépinières, plusieurs villages ont été choisis, mais ici , nous nous focaliserons uniquement sur les installations au niveau du village de Sarodrano. Ces sites ont été choisis pour plusieurs raisons, notamment la possibilité de bouturage des coraux, mais également pour l’opportunité offerte par la présence du projet de recherche et d’autres facteurs sociaux et environnementaux, notamment l’acceptabilité des villageois et la conduite de recherche antérieure permettant la comparaison des résultats (Todinanahary et al., 2017).
A Sarodrano, plusieurs tables de corail de 2 m de long et 1 m de large ont été utilisées. Le site de pépinière répond aux critères environnementaux adaptés à la croissance corallienne et aux facteurs sociaux, dont un accès facile aux villageois (<5m à marée haute). Chaque table contient 128 boutures de corail, qui sont des fragments d’environ 10 cm (avec 1 à 5 branches) prélevés de colonies mères collectées sur un récif naturel à proximité de la pépinière. Deux espèces ont été utilisées : Acropora cf. muricata et Acropora cf. cervicornis.
Nous avons évalué le nombre de fragments de corail perdus et morts chaque mois et noté le blanchissement observé sur 20 tables. Nous avons mesuré, tous les mois, la croissance en calculant l’augmentation du volume des branches à partir des photos prises sur plusieurs colonies taguées, réparties sur les 20 tables.
Les résultats sont en cours de traitement pour publication, mais les résultats préliminaires montrent que sur l’ensemble des 20 tables, 2496 fragments ont été plantés. De janvier 2019 à janvier 2020, nous avons observé un taux de survie final de 88,7 ± 9,9 %, avec un total de 238 fragments morts observés. Le taux de blanchissement était de 7 % avec un total de 168 fragments pâles ou blanchis observés sur l’année.
Aperçu de quelques boutures sur la pépinière à Sarodrano et à Andrevo, Madagascar
Amélioration des conditions de transport des coraux vivants à l'aide d'une boîte éclairée
Le transport des boutures de coraux vivants est une contrainte majeure pour le commerce des coraux. Les coraux doivent être transportés en moins de 20 heures avec de l’oxygène concentré pour éviter une mortalité post-transportation élevée. Pour comprendre les effets de la qualité de l’eau de transport sur la croissance des boutures de coraux et la mortalité post-transportation, une série de simulations de transport a été réalisée sur Seriatopora hystrix. Différents volumes d’eau (méthode sèche, 125 ml, 190 ml et 325 ml) et concentrations d’oxygène dans la phase gazeuse (21 %, 40 % et 85 %) ont été testés, et une lampe portable à 24 LED a été ajoutée pour fournir une irradiance lumineuse de plus de 100 µmol m⁻² s⁻¹ dans la boîte de transport. Pendant le transport, les boutures ont extrait du carbonate de calcium pour leur croissance, réduisant ainsi l’alcalinité de l’eau et par conséquent le pH à 6,67. La concentration en oxygène dissous a également rapidement diminué à 0,19 mg L⁻¹. La concentration en azote inorganique, en particulier les ions ammonium, a augmenté après 24 heures et a rapidement atteint des concentrations très élevées après 48 heures. Avant 48 heures, plus le volume d’eau et la concentration d’oxygène étaient importants, plus la croissance des boutures après transport était rapide. Au-delà de 48 heures, dans tous les cas, la diminution de la qualité de l’eau devenait critique pour les boutures et entraînait une mortalité partielle. L’éclairage de la boîte de transport a amélioré la qualité de l’eau pendant 72 heures en utilisant de l’air normal.
Todinanahary, G.G.B., Batigny, A., Lavitra, T., Grosjean, P. (2021). Improvement of live coral shipping conditions using an illuminated box. Western Indian Ocean Journal of Marine Science, 20(2):81-93 (DOI: http://dx.doi.org/10.4314/wiojms.v20i2.7)
Les coraux noirs sous menace, mais des études montrent de l'espoir
Les résultats de nos études sur les coraux noirs dans la région de l’océan Indien occidental sont encourageants et peuvent être utilisés pour élargir les connaissances sur la biologie des coraux noirs. Cela permettrait de proposer des alternatives à l’exploitation sauvage de ces animaux protégés et fournirait également des informations précieuses pour les décideurs afin de déterminer et mettre en œuvre des stratégies de gestion adaptées pour les coraux noirs et leurs habitats.
Les Antipathaires, également connus sous le nom de coraux noirs, sont des organismes coloniaux présents dans le monde entier, des latitudes tropicales aux latitudes polaires et des eaux peu profondes aux profondeurs abyssales. On compte 247 espèces décrites.
Pendant longtemps, surtout dans les régions tropicales, les coraux noirs ont été utilisés comme monnaie, à des fins médicinales et pour la fabrication de bijoux. Sauf à Hawaii où ces pêcheries sont bien connues, les récoltes de coraux noirs se font généralement sans stratégies de gestion claires, en particulier dans la région de l’océan Indien occidental.
À ce jour, la côte est de l’Afrique et les îles de l’océan Indien font partie des régions les moins contrôlées en ce qui concerne le commerce des coraux noirs. À Madagascar, les récoltes illégales ont augmenté depuis 2011, malgré un décret ministériel depuis 2014 interdisant toute forme d’exploitation. Le département en charge de la surveillance des pêches continue d’arrêter les plongeurs qui collectent des coraux noirs dans le sud profond de Madagascar. Le dernier arrestation remonte à octobre 2021, avec la saisie de 38 kg de squelettes de coraux noirs et des dizaines d’équipements de plongée.
Des recherches récentes menées par l’Institut Halieutique et des Sciences Marines de l’Université de Toliara et ses partenaires belges ont mis en lumière les conséquences de ce commerce illégal. Certaines espèces de coraux noirs figurent déjà à l’Annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), mais en raison du manque de connaissances dans la région de l’océan Indien occidental, il est impossible d’établir une politique de conservation fondée sur des preuves, et donc aucun Antipatharia ne figure actuellement sur la Liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Les informations sur la collecte illégale des coraux noirs à Madagascar sont consultables dans notre article : Todinanahary GGB, Terrana L, Tsiresy G, Eeckhault I, Lavitra T (2016) First records of illegal harvesting and trading of black corals (Antipatharia) in Madagascar. Journal of Madagascar Conservation and Developpement, 11: 1, DOI: 10.4314/mcd.v11i1.5
(a) Grands sacs contenant des squelettes de corail noir séchés à Ambovombe, Androy. (b, d) Détails des squelettes de corail noir collectés. (c, t) Photos des bouteilles de plongée utilisées par les braconniers saisies par les autorités à Kotoala, dans la commune d’Ambazoa à Ambovombe. (e) Un corail noir ramifié appartenant à la famille des Myriopathidae, photographié au large de la côte sud-ouest de Madagascar à environ 20 mètres de profondeur. Ce corail présente la même forme et appartient à la même famille que les coraux récoltés à Tolagnaro. (g) Morceaux de coraux noirs collectés dans la région d’Anosy montrant l’échelle des coraux qui sont récoltés. (barre d’échelle : 1 cm).
La figure suivante illustre toutes les parties impliquées dans l’exploitation des stocks naturels – inconnus – de ressources naturelles, y compris les coraux noirs à Madagascar.
Diagramme montrant les procédures normales pour l’exploitation des coraux noirs. Le stock naturel d’antipathaires doit être contrôlé à travers trois parties clairement définies : la recherche et la gestion effectuées et assurées essentiellement par des centres publics et le gouvernement ; la consultation et les études d’impact de l’exploitation sur l’environnement et les sociétés humaines locales ; et l’exploitation elle-même, comprenant la récolte, la collecte, la transformation et l’exportation. De plus, les pourcentages d’exploitation de chaque partie ne sont pas encore connus pour les coraux noirs.
La faisabilité de la transplantation de coraux noirs
En mai 2019, Godefroid et al. ont mené des recherches expérimentales sur la transplantation de boutures de coraux noirs de l’espèce Cirrhipathes anguina du Grand Récif de Toliara. L’objectif de l’expérience était de tester la faisabilité de la transplantation des coraux noirs fouet sur deux sites aux conditions environnementales distinctes : North Pass (NP, profondeur de 23 m) et Grande Vasque (GV, profondeur de 13 m). Outre la profondeur (et la lumière en conséquence), les régimes de courant sont également différents. Le NP est bien exposé aux vagues et au courant généré par le vent dominant du sud, tandis que le GV est un bassin d’environ 1,5 km de longueur et 300 m de largeur situé dans le plat du récif et bien protégé des houles. Un total de 56 fragments prélevés sur quatre colonies à 23 m de profondeur (de NP) ont été transplantés sur les deux sites : 28 fragments chacun à NP et GV. Chaque fragment a été fixé à une table à barreaux en fer par site, en veillant spécialement à maintenir les boutures dans leur direction originale, c’est-à-dire avec la partie apicale dirigée vers le haut. Chaque mois, des photographies de chaque fragment ont été prises, et la longueur de la partie croissante (squelette recouvert de tissus) a été mesurée en millimètres à l’aide du logiciel ImageJ. Les résultats montrent une transplantation réussie sur les deux sites avec une mortalité nulle (à l’exception des fragments manquants) et une certaine croissance sur 200 jours. Les taux de croissance maximum étaient de 3,4 cm par mois et de 2,0 cm par mois respectivement à North Pass et à Grande Vasque.
De plus, le temps moyen de guérison totale a été retardé de dix jours dans la Grande Vasque par rapport aux transplantations à North Pass. Les différences entre les sites sont susceptibles d’être liées à des paramètres environnementaux différents.
Les résultats prometteurs obtenus avec le protocole facile utilisé dans cette étude encouragent l’utilisation de la transplantation de coraux noirs dans d’autres expériences et projets de restauration.
Bien que ces résultats sont prometteurs, il est important d’étudier en profondeurs la biologie des coraux et la structure de leur squelette afin de mieux comprendre et évaluer les caractéristiques techniques pour satisfaire les potentiels besoins du marché.
Dugauquier et al. (2021) ont mesuré le module de rigidité en tension ou compression ainsi que la rigidité flexionnelle des antipathaires branchus et en forme de fouet vivant dans des conditions environnementales similaires. L’objectif de l’article est également d’évaluer l’impact des différents modes de conservation sur ces caractéristiques du squelette des coraux noirs. Ces informations clés permettent de mieux comprendre leur comportement alimentaire et pourquoi ils sont principalement présents dans des habitats montrant des courants forts et constants.
L’étude a été réalisée sur un total de 12 colonies de 4 espèces de coraux noirs (les coraux fouets Cirrhipathes anguina et Stichopathes cf. maldivensis, ainsi que les coraux branchus Cupressopathes abies et Cupressopathes cf. pumila) collectées sur 2 sites du Grand Récif de Toliara (GRT), en mai 2019.
Les quatre espèces n’ont pas présenté de différence significative en ce qui concerne le module de Young, mais l’élasticité était plus élevée dans le segment distal des colonies, comparativement aux segments basal et médian. En revanche, la rigidité flexionnelle était significativement plus élevée chez les espèces en forme de fouet par rapport aux espèces branchues. De plus, chez les espèces en forme de fouet, la rigidité flexionnelle était plus élevée dans le segment basal par rapport aux deux autres segments. Ces résultats, en particulier la rigidité flexionnelle, suggèrent que les différentes morphologies des espèces correspondent à leurs stratégies alimentaires contrastées dans un environnement de fort courant similaire.
Comprendre ces caractéristiques aide également à définir des mesures pour assurer une gestion durable de cette ressource.
Diagrammes de capture alimentaire par les colonies d’antipathaires présentant différentes morphologies. A. Chez les coraux en forme de fouet, la capture alimentaire est réduite lorsque le squelette se courbe sous le courant. En position verticale, le squelette maintient tous les polypes dans une position optimisée pour l’alimentation. B. Chez les coraux branchus, il y a moins de réduction de la capture alimentaire lorsque le squelette se courbe sous le courant. La zone de capture alimentaire reste fonctionnelle grâce aux polypes présents sur les branches et les pinnules (modifié d’après Dugauquier et al., 2021).
Dugauquier J-M, Godefroid M, M’Zoudi S, Terrana L, Todinanahary GGB, Eeckhaut I, Dubois P (2021) Ecomechanics of Black Corals (Cnidaria: Anthozoa: Hexacorallia: Antipatharia): a Comparative Approach. Invertebrate Biology [https://doi.org/10.1111/ivb.12347]