La faisabilité de la transplantation de coraux noirs

En mai 2019, Godefroid et al. ont mené des recherches expérimentales sur la transplantation de boutures de coraux noirs de l’espèce Cirrhipathes anguina du Grand Récif de Toliara. L’objectif de l’expérience était de tester la faisabilité de la transplantation des coraux noirs fouet sur deux sites aux conditions environnementales distinctes : North Pass (NP, profondeur de 23 m) et Grande Vasque (GV, profondeur de 13 m). Outre la profondeur (et la lumière en conséquence), les régimes de courant sont également différents. Le NP est bien exposé aux vagues et au courant généré par le vent dominant du sud, tandis que le GV est un bassin d’environ 1,5 km de longueur et 300 m de largeur situé dans le plat du récif et bien protégé des houles. Un total de 56 fragments prélevés sur quatre colonies à 23 m de profondeur (de NP) ont été transplantés sur les deux sites : 28 fragments chacun à NP et GV. Chaque fragment a été fixé à une table à barreaux en fer par site, en veillant spécialement à maintenir les boutures dans leur direction originale, c’est-à-dire avec la partie apicale dirigée vers le haut. Chaque mois, des photographies de chaque fragment ont été prises, et la longueur de la partie croissante (squelette recouvert de tissus) a été mesurée en millimètres à l’aide du logiciel ImageJ. Les résultats montrent une transplantation réussie sur les deux sites avec une mortalité nulle (à l’exception des fragments manquants) et une certaine croissance sur 200 jours. Les taux de croissance maximum étaient de 3,4 cm par mois et de 2,0 cm par mois respectivement à North Pass et à Grande Vasque.

De plus, le temps moyen de guérison totale a été retardé de dix jours dans la Grande Vasque par rapport aux transplantations à North Pass. Les différences entre les sites sont susceptibles d’être liées à des paramètres environnementaux différents.

Les résultats prometteurs obtenus avec le protocole facile utilisé dans cette étude encouragent l’utilisation de la transplantation de coraux noirs dans d’autres expériences et projets de restauration.

Bien que ces résultats sont prometteurs, il est important d’étudier en profondeurs la biologie des coraux et la structure de leur squelette afin de mieux comprendre et évaluer les caractéristiques techniques pour satisfaire les potentiels besoins du marché.

Dugauquier et al. (2021) ont mesuré le module de rigidité en tension ou compression ainsi que la rigidité flexionnelle des antipathaires branchus et en forme de fouet vivant dans des conditions environnementales similaires. L’objectif de l’article est également d’évaluer l’impact des différents modes de conservation sur ces caractéristiques du squelette des coraux noirs. Ces informations clés permettent de mieux comprendre leur comportement alimentaire et pourquoi ils sont principalement présents dans des habitats montrant des courants forts et constants.

L’étude a été réalisée sur un total de 12 colonies de 4 espèces de coraux noirs (les coraux fouets Cirrhipathes anguina et Stichopathes cf. maldivensis, ainsi que les coraux branchus Cupressopathes abies et Cupressopathes cf. pumila) collectées sur 2 sites du Grand Récif de Toliara (GRT), en mai 2019.

Les quatre espèces n’ont pas présenté de différence significative en ce qui concerne le module de Young, mais l’élasticité était plus élevée dans le segment distal des colonies, comparativement aux segments basal et médian. En revanche, la rigidité flexionnelle était significativement plus élevée chez les espèces en forme de fouet par rapport aux espèces branchues. De plus, chez les espèces en forme de fouet, la rigidité flexionnelle était plus élevée dans le segment basal par rapport aux deux autres segments. Ces résultats, en particulier la rigidité flexionnelle, suggèrent que les différentes morphologies des espèces correspondent à leurs stratégies alimentaires contrastées dans un environnement de fort courant similaire.

Comprendre ces caractéristiques aide également à définir des mesures pour assurer une gestion durable de cette ressource.

Diagrammes de capture alimentaire par les colonies d’antipathaires présentant différentes morphologies. A. Chez les coraux en forme de fouet, la capture alimentaire est réduite lorsque le squelette se courbe sous le courant. En position verticale, le squelette maintient tous les polypes dans une position optimisée pour l’alimentation. B. Chez les coraux branchus, il y a moins de réduction de la capture alimentaire lorsque le squelette se courbe sous le courant. La zone de capture alimentaire reste fonctionnelle grâce aux polypes présents sur les branches et les pinnules (modifié d’après Dugauquier et al., 2021).

Dugauquier J-M, Godefroid M, M’Zoudi S, Terrana L, Todinanahary GGB, Eeckhaut I, Dubois P (2021) Ecomechanics of Black Corals (Cnidaria: Anthozoa: Hexacorallia: Antipatharia): a Comparative Approach. Invertebrate Biology [https://doi.org/10.1111/ivb.12347]